Homélie (3e dimanche)

Jésus a fait ses valises, il a quitté le cocon familial, le village de son enfance. Remarquez que ce n’est pas la première fois qu’il déménage, puisque, deux ans environ après sa naissance, mais il ne s’en souvient peut-être pas, il a dû plier bagage avec ses parents pour fuir la persécution du roi Hérode; ses parents l’ont emmené en Égypte, où il a donc vécu quelques années. Puis retour au pays, et installation à Nazareth, un petit village au pied des montagnes de Galilée. C’est là qu’il a grandi, qu’il a appris à lire la Bible, non pas à l’école mais à la synagogue, à la fois lieu de culte et d’éducation; c’est à Nazareth qu’il apprend le métier de son père humain, Joseph, qui est charpentier, et qui, en tout bon père de famille de l’époque, transmet son savoir à son fils. A la mort de son père, Jésus reprend l’entreprise familiale et exerce ce beau métier de charpentier, probablement durant une quinzaine d’années, puisque, à cette époque, dès l’âge de 14-15 ans, on travaille.

 À l’âge de 30 ans, Jésus quitte Nazareth pour entamer ce qu’on va appeler sa vie publique. Il s’installe à Capharnaüm, village de pêcheurs, probablement dans la maison de Simon-Pierre, maison qu’on peut encore visiter aujourd’hui.

Capharnaüm, ça vous dit quelque chose? quand une mère dit à son fils adolescent: « Ta chambre, c’est un véritable Capharnaüm », ça veut dire que ça ressemble à une chambre après une secousse sismique de magnitude 7, environ! 

Pourquoi ce mot est-il passé dans le langage courant pour désigner un désordre innommable? Probablement parce que c’est une ville ouverte aux 4 vents! Capharnaüm, c’est une ville frontière; c’est pas Monaco, pensez plutôt à Vintimille, on doit y croiser des gens pas très catholiques: de fait, on y trouve des juifs, des grecs, des romains, et d’autres peuples encore, (on la surnomme, ce n’est pas pour rien : la Galilée des nations),
il y là un véritable brassage de cultures et de religions. Eh bien c’est dans Capharnaüm, cette Vintimille de l’époque, que Jésus établit son quartier général.

Jésus veut être au contact des gens, des gens du peuple, du tout-venant. Il y a, certes, du désordre à Capharnaüm, mais il y a de la vie. Et c’est cela qui intéresse Jésus. Et puis il y rencontre peut-être, là plus qu’ailleurs, des gens qui sont un peu déboussolés, des gens qui, au milieu de ce brassage culturel, ne savent plus trop bien qui il faut croire, ni vers qui se tourner, ni où se trouve la vérité.

Un jour, précisément, au bord du lac de Galilée, il dira en voyant la foule venir vers lui: « Ils sont comme des brebis sans berger! »

Voyez, Jésus comprend que ce désordre extérieur, ce « Capharnaüm » est peut-être le signe d’un désordre « intérieur »: il y a du « Capharnaüm » dans le cœur de ces gens-là; c’est pourquoi il va leur dire: « Convertissez-vous, car le Royaume de Dieu est tout proche. »
« Convertissez-vous, c’est un petit déménagement intérieur qu’il faut opérer: il faut faire le ménage dans votre cœur, il faut y mettre de l’ordre; je ne sais pas vous, mais moi, quand je déménage, je jette un tas de choses qui m’étaient parfaitement inutiles, et qui encombraient ma chambre; bon je vous dis que celle-ci est un capharnaüm, mais bon, je vous la ferai pas visiter quand même…

Mais quand on déménage, qu’on s’installe dans un nouvel appartement, là, on veut que tout soit bien en place, harmonieusement disposé! Il faudrait déménager plus souvent!

Eh bien, c’est ça, se convertir: c’est mettre de l’ordre, un peu plus d’harmonie dans son cœur, et surtout,
se délester de ce qui contrevient à cet ordre: le péché, les jalousies, les insultes, les rivalités. 

Tiens, justement, Paul en parle dans sa lettre aux Corinthiens. Il nous dit: « Il m’a été rapporté à votre sujet, mes frères, par les gens de Chloé, qu’il y a entre vous des rivalités. » 

Vous vous rendez compte, ce sont des chrétiens, à peine convertis, à peine baptisés, et il y a déjà des rivalités entre eux, des rivalités au sein de cette petite communauté de Corinthe, qui doit compter, une quarantaine de chrétiens, pas plus, et déjà ils se disputent entre eux; pourquoi?, parce qu’il y a des clans: il y a le clan de ceux qui se réclament de Paul, le clan de ceux qui se réclament d’Apollos, un autre missionnaire, envoyé sans doute par l’Eglise de Jérusalem pour contrebalancer l’enseignement de Paul, qu’on juge un peu trop ouvert aux païens. Au sein de cette petite communauté de Corinthe, il y a des clans qui se forment, et qui dit clan dit rivalité: chacun croit avoir raison… ça peut pas marcher, comme ça. « Le Christ est-il donc divisé? », demande Paul…

L’esprit clanique, c’est le vers dans le fruit. Comment lutter contre cette tendance? Là encore, il nous faut revenir à la racine. Si on se laisse abuser par l’esprit clanique, c’est que notre cœur lui-même est divisé: en fait, nous n’adhérons pas encore pleinement au Christ, nous lui laissons, certes, une place dans notre vie, mais pas toute la place. Or, on ne peut pas être au Christ à moitié: ou je suis au Christ ou je n’y suis pas. Imaginez un homme qui dirait à la femme qu’il veut épouser: « Je t’aime, mais je ne veux pas quand même pas que tu prennes toute la place dans ma vie. J’ai mes copains, et le dimanche, je joue au foot avec eux; celui-là, à mon avis, n’aura pas le temps de terminer sa phrase…

Que votre oui soit oui, que votre non soit non, tout le reste vient du Malin,

dira un jour Jésus à ses disciples. ça, c’est le signe d’un cœur qui n’est pas divisé, qui n’est pas partagé. 

Kyrian a fait tout à l’heure son entrée en catéchuménat. Il va cheminer vers le baptême avec ses camarades, sa catéchiste Cristiana, il va prendre le temps de la réflexion,  mais le jour où, je l’espère, il demander à recevoir le baptême, alors il faudra que son « oui » au Christ soit total: « Oui, Seigneur, je t’aime et je te fais confiance. Désormais,
c’est toi ma boussole, celle qui va guider chacun de mes pas. »

Si tu as bien conscience de cela, tu verras que ta vie va s’harmoniser, tu sauras qui tu es et où tu vas, et, je ne sais pas si ta chambre sera toujours bien rangée, mais ton cœur, lui, ne sera pas tiraillé à droite, à gauche, tu seras ferme dans tes choix, parce que dans ton cœur régnera la paix. 

Amen.